L'Art Coup de Coeur
Marie Thamin

Marie Thamin

Marie Thamin

Ce sont des murs qui se dressent, percés (rarement) ou non de fenêtres aveugles, habitations inanimées, posées là sans autre fonction que leur présence, à moins qu’on y sente le souvenir d’un passé au terme duquel elles auraient été délaissées, ou qu’elles soient inachevées, dans l’attente d’une vie future (je penche plutôt pour la première hypothèse et c’est au rayonnement de la mémoire qu’elles me semblent appartenir plus qu’à quelque projection, ce que confirme la couleur, déclinaison de gris que tempère ici un léger bleu, un rouge fané, un beau jaune rouille, couleurs comme écaillées, s’éludant au fil du temps ; couleurs passées, couleurs du temps passé).

En ses œuvres Marie Thamin cultive cet art particulier de l’empreinte qu’est le monotype, trace unique par impression d’un travail de peintre qui est intervenu sur un support dont l’application a inversé le motif et altéré la matière. Ainsi est médiatisé le geste d’origine, dont seule la trace est accueillie par la feuille qui en subit l’impression. A ceci près que la méthode de Marie Thamin est plus complexe : si le jeu du monotype est constitutif de son travail il est complété par une peinture directement apposée sur la feuille définitive, soit au préalable soit en complément.

Qu’on ne s’étonne pas si d’un tel redoublement du jeu présence/absence c’est de la mélancolie qui rayonne, nous entraînant à une rêverie d’ondes troubles et fluctuantes. Et cela (de telles demeures inhabitées, inhabitables), qui paraissait calme, anodin quasiment en son apparence si peu matérielle et son traitement si tendre, affirme une étrangeté quelque peu inquiétante. Ici se fait une ouverture sur les profondeurs de l’intime en lesquelles toute œuvre digne de ce nom prend racine, s’affirme en trompe-l’œil à rebours de toute idée reçue.

Gilles Plazy, critique d’art et auteur

Arrangement en rouille et blanc IV- 2019
100x70 - arrangement en rouille et noir III - 2022